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Les obligations du chirurgien-dentiste en matière de prothèses dentaires

Le 26 juin 2023
Les obligations du chirurgien-dentiste en matière de prothèses dentaires

Le cabinet de Maître Elodie BOSSELER est habituellement missionné pour assurer la défense de patients devenus victimes de soins dentaires fautifs. Plusieurs questions se posent lors de l’étude et de l’analyse du dossier pour envisager la suite qui y sera donnée. Nous essayons, Maître Élodie BOSSELER et ses collaboratrices, de vous apporter des éclaircissements au travers des articles rédigés.  Ici, Maître Tiffany ATLAN se penche sur les obligations du chirurgien-dentiste en matière de prothèses dentaires. Maître ATLAN fait également de lien avec d’autres dossiers que le cabinet prend en charge, ceux en matière de chirurgie-esthétique.

 

      I.         Le principe : l’obligation de moyens pesant sur le chirurgien-dentiste concernant les soins

 

La Cour de cassation a établi, et ce de manière constante, que l’obligation pesant sur le chirurgien-dentiste dans le cadre de ses soins est une obligation de moyens tirée de l’éternel aléa thérapeutique.

 

Afin d’engager la responsabilité du chirurgien-dentiste, le patient devra donc démontrer une faute ayant entraîné la survenance de préjudices.

 

Néanmoins, le chirurgien-dentiste est amené dans le cadre de ses soins, à recourir à l’utilisation de dispositifs médicaux : les prothèses dentaires, les implants, les appareils, les gouttières de bruxisme et gouttières d'orthodontie dite invisible, les élastiques de bagues, etc.

 

En effet, ces dispositifs sont bien concernés par la définition énoncée par l’article L.5211-1 II du code de la santé publique :

 

« On entend par dispositif médical : tout instrument, appareil, équipement, logiciel, implant, réactif, matière ou autre article, destiné par le fabricant à être utilisé, seul ou en association, chez l’homme pour l’une ou plusieurs des fins médicales mentionnées ci-après et dont l’action principale voulue dans ou sur le corps humain n’est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme, mais dont la fonction ne peut être assistée par de tels moyens :

 

(…)

 

3° Investigation, remplacement ou modification d’une structure ou fonction anatomique ou d’un processus ou état physiologique ou pathologique ».

 

Par le recours à un dispositif médical, le chirurgien-dentiste se soumet alors à d’autres obligations.

 

    II.         L’exception au principe : l’obligation de résultat pesant sur le chirurgien-dentiste concernant la conception et la fourniture des appareils dentaires

 

La jurisprudence a ainsi fait émerger une obligation de résultat pour le chirurgien-dentiste de fournir à son patient « un appareillage apte à rendre le service qu’il peut attendre, une telle obligation incluant la conception et la confection de cet appareillage » (Cass. 1ère Civ. 23 novembre 2004, RG n°03-12.146).

 

Le critère « apte à rendre le service que le patient peut attendre » recouvre de multiples cas appréciés par les tribunaux.

 

Concernant le choix du régime de responsabilité et donc du débiteur, une distinction devra être opérée entre les faits antérieurs et postérieurs à l’entrée en vigueur des dispositions sur le régime des produits défectueux, régime ayant dorénavant vocation à s’appliquer concernant les produits de santé.

 

Ainsi, le manquement à l’obligation sera constaté lorsque des prothèses ont été confectionnées en résine et non en céramique comme prévu au devis, lorsqu’un bridge n’a pas été confectionné dans les règles de l’art (exemple ci-dessous) ou bien lorsqu’un bridge présentait une fragilité intrinsèque en raison des données physiologiques du patient et qui aurait dû pousser le praticien à opter pour un bridge de dix éléments soudés plutôt que deux bridges séparés (Cass. 1ère Civ. 23 novembre 2004, RG n°03-12.146).

 

Pour exemple : CA MONTPELLIER, 20 janvier 2015, RG n°13/03262

 

Une patiente s’était vue poser un bridge définitif au niveau incisif supérieur. Rapidement après la pose de ce bridge, elle ressentait une impression d’étau au niveau du bloc incisif supérieur, des douleurs à la mastication, des lésions de morsures, des difficultés d’élocution.

 

Une expertise judiciaire avait été ordonnée, l’expert judiciaire avait conclu que le bridge effectué par le praticien présentait une position trop basse entraînant des morsures à répétition de la lèvre inférieure et reposait sur des piliers et inters mal répartis, le tout impliquant une nécessité de réfection.

 

La Cour d’appel, après avoir rappelé que l’obligation pesant sur le chirurgien-dentiste concernant la conception et la confection de l’appareillage était de résultat, soulignait que l’Expert avait relevé :

-       Les problèmes d’élocution, de mastication et les lésions traumatiques chez la patiente après la pose du bridge litigieux,

-       La disparition de ces problèmes à la suite de l’ablation du bridge litigieux et la pose d’un nouveau bridge,

-       La position trop basse du bridge et les conséquences de celle-ci sur la patiente.

 

Elle concluait que « d’évidence, l’appareillage conçu par le Docteur N Z n’était pas apte à rendre le service que Mme AB-AC AD pouvait légitimement en attendre » et engageait la responsabilité du praticien.

 

  III.         Parallélisme avec une autre spécialité : la chirurgie-esthétique

 

Tout comme la matière dentaire, une distinction devra être opérée concernant un engagement de responsabilité à la suite de l’échec d’un acte de chirurgie esthétique : est-ce que l’échec est dû au défaut du dispositif médical utilisé (prothèse, substance, etc.) ou au geste du praticien ?

 

Concernant le geste du praticien, il s’agit d’une obligation de principe de moyens, néanmoins alourdie par une obligation préalable d’information renforcée.

 

Concernant les dispositifs utilisés, il s’agit d’une responsabilité de plein droit, donc sans faute, également soumise au régime des produits défectueux depuis son entrée en vigueur.

 

Contrairement au chirurgien-dentiste qui participe activement à la conception des prothèses (empruntes, moulages, mises en articulateurs, etc.), le chirurgien esthétique n’a comme seule marge de manœuvre le type de prothèse et d’implants qu’il utilisera pour la chirurgie.

 

Ainsi, la responsabilité engagée du fait du défaut des prothèses sera principalement celle de leur fabricant, à moins que ces derniers ne puissent être identifiés. C’est alors le « médecin vendeur » qui sera tenu responsable du défaut de sécurité du produit.

***

L'équipe du cabinet de Maître Élodie BOSSELER, avocate, reste bien évidemment à votre disposition pour vous conseiller, vous accompagner, vous assister et vous représenter. Vous défendre est notre volonté et notre métier.

 

 

Maître Tiffany ATLAN, avocate

Collaboratrice du Cabinet de Maître Élodie BOSSELER, avocate